Quatre bretons dans la tourbe

      Pendant la retranscription sur ordinateur, pour rendre mon manuscrit très brouillon lisible aux autres, il m'est sans cesse venu des commentaires, qui enrichissent (ou alourdissent, selon chacun) le récit de détails et du recul offert 2 mois après le retour. Pour préserver tout de même le texte d'origine de tous ces post scriptum, j'ai adopté comme convention d'écriture de mettre tous ces ajouts en italique, comme pour les commentaires des photos. Autre convention d'écriture, mais qui remonte elle au manuscrit de mon carnet, les dates, indiquées en gras dans les pages qui suivent, sont celles du jour où j'écris : ainsi chaque page décrit généralement ce qui s'est passé la veille, mais pas toujours. Cette absence de contraintes chronologiques vient du fait que j'ai refusé de m'imposer un exercice de style précis pour l'écriture du carnet, afin d'éviter, au possible, de me mettre à décrire et à parler de choses qui ne m'inspirent pas sur l'instant, et qui risquent donc davantage encore d'être plus qu'ennuyantes à lire. Néanmoins, pour le lecteur voulant bénéficier du plus strict possible déroulement chronologique, ou cherchant des informations sur un jour précis (je me demande quand même qui pourrait s'intéresser de si près à ce voyage...), j'ai mis à disposition un repère chronologique avec des liens renvoyant vers les parties de texte les plus consacrées à une journée en particulier. Une autre aide comme repère chronologique sera les commentaires toujours datés des photos.
      A ce sujet, il est important de rappeler qu'une photo, aussi bonne soit-elle, ne remplacera jamais l'impression du moment, le souvenir. Une photo est un objet à trois dimensions : deux physiques et une artistique, alors que la vision qu'on en a avant de mettre son œil sur le viseur est à quatre dimensions : les trois physiques et une sentimentale. La photo souvenir est donc un leurre, car non seulement elle rend la partie contenu dans son cadre infirme d'une dimension, mais elle remplace (très rarement chez les amateurs que nous sommes et avec notre appareil tout automatique) le sentiment du moment par une éventuelle émotion, qualité artistique. Seule un véritable artiste photographe, capable peut-être d'imprimer sur la pellicule le souvenir qu'il gardera, l'émotion qu'il a eu en face de son sujet est capable de faire une photo-souvenir, apanage, au contraire, du photographe plus qu'amateur et du touriste. Ce genre de photos est même dangereux car on pourrait être tenté de les rendre garant du souvenir, d'oublier toutes les images intérieures, les sentiments qu'ont a emmagasinés pour ne garder que les bien plus sûres empreintes sur celluloid dans un bel album qu'on oublie une fois fait. Malgré tous ces défauts, elle est un auxiliaire remarquable à des écrits voulant faire partager aux autres le voyage que l'on a fait.
      Dernière remarque, le texte du carnet proprement dit ne démarre que le mercredi 4 août au matin, alors que nous avons embarqué pour la Grande-Bretagne le dimanche 1° août à 23h. C'est à la fois un parti pris et une conséquence naturelle d'un besoin d'isolement et d'inspiration pour écrire : pour moi, le voyage, celui que je cherchais tout au moins, n'a vraiment commencé que le mardi 3 août, vers 17h, tout juste au moment où nous arrivions, en longeant le loch Broom, sur lepetit port d'Ullapool...