C'est également un certain silence qu a empli la journée de mardi d'une certaine lourdeur, d'un malaise. Silence par l'absence du silence de Jean-Philippe. Silence surtour car crise de paresse dans le groupe, paysages à la désolation désespérante de Lewis : un sol vert, très faiblement vallonné, creusé partout de cicatrices et de grandes plaies béantes de terre noire. Je suis le seul à avoir réellement apprécié cette désolation. Cette terre peu ondulée à perte de vue sans presque aucun signe d'habitation satisfait chez moi mon besoin d'isolement et de contemplation.
C'est dans la tranquilité stérile de la proximité de ce site militaire que nous avons planté (dû planter) le campement en orientant la tente d'habitation plein ouest, sur la mer, les îles Na-h-Eileanan Flannach, coucher de soleil plein ouest, et barbelés sur la droite.
Cela nous a permis de savourer nos soupes "4 saisons" et "tomate" au pain, et pâtes aux tomates entières en conserve direct from the reserve of the so nice Achemvilch's youth hostel's wardens devant a très beau sunset, aux contrastes de couleurs accentuées et sublimées par la présence disparate de nuages de toutes formes et toutes consistances.
Hier matin (mercredi), départ assez tardif d'Aird Uig, arrêt au loch Mheacleit pour la vaisselle. Vieux fantasme pour notre voyage en Ecosse : c'est un vieux couple dans un petit camion d'un autre âge, ouvert à l'arrière, qui nous ont pris en chargement, les premiers de cette journée qui s'annonçait très chargée en stop.
Après plusieurs longues attentes occupées une fois par des lancers de cailloux dans la vase (oh, les beaux schplock !), on attendit plus d'une demie-heure au carrefour des routes menant à Stornoway et Tarbert, avant de prendre le bus qui nous mena jusqu'à l'entrée du sentier que nous tentions de rejoindre depuis le début de la journée.
Celui-ci n'est jusque là pas du tout décevant, pour moi comme pour les autres. Harris plaît plus que Lewis. J'apprécie personnellement les deux d'une manière différente.
Harris est plus belle, plus jolie, surtout qu'on la voit sous le soleil (toujours pas de (vraie) pluie depuis notre arrivée en Ecosse !). Mais Lewis me pousse également à la contemplation, ses paysages nourrissant mon besoin de désolation.
Le spectre de la démotivation a donc encore volé sur le voyage mardi et la plus grande partie de mercredi, mais a du s'éloigner dès que nous avons posé le pied sur le sentier. Visions dominantes du grand loch Langavat, réapprovisionnement en eau, la plus pure qu'on ait rencontré, sur la rivière Abhainn Langadail, et montée (bien 300 m de dénivelé pour des montagnards inexpérimentés et chargé à bloc) jusqu'au col entre le Stuabhal et le Rapaire Ereinth, on est arrivé au paradis de la journée : plein ouest, le soleil déjà bas nous promettait un splendide coucher de soleil sur la mer, les lochs et les sommets qui s'offraient à nos yeux contemplatifs; à droite, sur les flancs du Rapaire, des daims ou chamois (que des jumelles nous ont manqués) (après consultation de personnes connaissants très bien la région, il y a de très fortes chances que ce fut des cerfs rouges (mais aucun mâle parmi aux)) nous ont regardés, à seulement 200 ou 300 mètres, choisir le lieu et placer le campement avant de s'éloigner sans précipitation ni affolement. Preuve que nous étions au paradis, aucun midge n'a pointé le bout de sa trompe de la nuit, bien que le vent soit faible et même inexistant ce matin.
9h30 : Oups ! Pour les midges, j'ai trop vite parlé... Voilà qui risque de faire grogner quelques uns au réveil, maintenant imminent.
19h20 : On a connu notre première pluie aujourd'hui. Le temps a été très grisâtre tout au long du sentier et une fois arrivé sur la route, pendant la pause d'une demie-heure avec pouce tendu, un crachin persistant s'est mis à nous tomber dessus pendant 4 heures sans interruption, pour finir il y a peu, une fois arrivé ici, à la Roxen Bankhouse de Tarbert.
Le ciel aux nuances de gris assez moroses ne nous offrit pas une très belle lumière pour contempler les lochs et les monts que nous avons croisé sur notre route. Certains restaient tout de même magnifiques et cela nous a fait regretté que davantage l'absence d'un ciel percé parfois de quelques rayons clairs.
Instant magique, irrél, hors du temps, avec cette touche d'absurde qui fait sourire à la vie : au bord du loch Chleistir, là où nous fîmes la vaisselle après être descendus de notre col, dans cette grande niche perdue au coeur de la nature, un sac bleu s'est perdu. En étant nettoyé par nos soins attentifs, lui qui avait porté en son sein notre vaisselle sale, il s'échappa de nos mains pour aller flotter de son propre air sur l'immense étendu d'eau qui s'offrait à lui. Seules petites vacances qu'il se donna dans sa longue vie intolérable de sac plastique de la C.U.B., petit intermède de navigation libre sous l'effet d'une brise légère. Hors d'atteinte, on partit l'attendre sur l'autre rive, à peu près à l'endroit où son bon vouloir semblait l'amener. Effronté et gentiment désinvolte dans sa liberté qu'il s'est offerte à nos dépens, on craignait qu'il ne préféra plongé dans les abysses, en se vidant du peu d'air dont il était gonflé, pour abandonner sa dure vie d'éboueur et être enfin gratifié de celle d'ordure, passer de porteur esclave à riche patricien en quelque sorte ; mais il nous resta finalement très fidèle, et, comme un chien fier d'avoir fait une petite bêtise qui s'en retourne rejoindre son maître à la nage en souriant, on le vit se rapprocher de nous, inexorablement, sans empressement aucun, prêt et décidé à continuer de remplir son valeureux devoir de sac poubelle, gracieusement offert par la Communauté Urbaine de Brest. Il abandonna donc finalement l'onde, se secoua sans prendre garde de nous éclabousser et vînt avec tendresse se ranger dans son grand frère, mon fidèle et servant saint-bernard de sac à dos.
Première marche sous la pluie, premier stop assez galère sur une route où passait une voiture toutes les cinq minutes seulement. Et je n'ai pas dit forcément dans notre sens. Après près d'une heure de marche, une fois bien mouillés, un van aménagé en camping-car nous a finalement mené jusqu'à Tarbert.
On prendra le ferry de 16h10 demain. Ce soir, c'est spaghetti bolognaise avec de la vraie viande ! Demain c'est Skye (under the rain ?) !
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