Mercredi 4 août 1999, 8h30 :

       Les autres dorment. J'ai réussi à m'extraire sans bruit (?) de la tente, que j'ai partagée cette nuit avec Jean-Philippe. Duvet, tapis de sol, bouquin, carnet, stylo et quelques vêtements m'ont accompagnés. Depuis que je me suis installé sur un affleurement rocheux plan mais pentu à 3 mètres du campement, le soleil semble avoir déjà bien dû monter d'une trentaine de degrés au-dessus de sa position initiale. Cette lumière de plus en plus verticale me permet de regarder au levant en plissant de moins en moins les yeux, pour contempler ce loch au-dessus duquel nous nous sommes installés péniblement hier soir. Le ciel est presque parfaitement peint de ce bleu clair et pâle qu'on trouve dans les hautes latitudes, mais une brume légère m'empêche de voir le contour de toutes les collines, montagnes avoisinantes. Plus inquiétant, une très imposante masse nuageuse mange les sommets à l'est et semble se rapprocher de nous, sous l'effet de ce fort vent qui ne nous a pas quitté depuis que, en allant presque tout droit sur la première montagne avoisinante, nous avons laissé Ullapool derrière nous, hier en fin d'après-midi.

      Le voyage et l'arrivée à Ullapool furent grandioses. Nous avons traversé les paysages déserts dont nous toujours rêvés pour aboutir dans une petite ville au parfum de bout du monde. Je crois que ce fut pour tous ce que nous attendions depuis deux ans. Après quelques ultimes préparatifs, en surplus de ceux faits à Inverness et Brest, nous nous sommes mis en marche à 18H30. Suite au très intense plaisir du premier sommet atteint et du premier panorama gagné, les premières difficultés de la marche se sont faites connaître. Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
Le port d'Ullapool donnant sur le Loch Broom, que longe la route qui nous a menés là. (3/8/99, vers 16h)
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La première montée, à la sortie d'Ullapool. (3/8/99, vers 18h)
      Le sol des Highlands n'est pas couvert par une vaste prairie parsemée de lochs. Le sol est ici une bourbe où par endroits le pied s'enfonce de lui-même. L'herbe y pousse par touffes et le sol est très inégal. La végétation le couvre néanmoins presque totalement, avec pour seules enclaves dans son empire : des affleurements rocheux, comme celui où je me tiens, et des lochs, étangs et ruisseaux omniprésents.

       Le paysage est magnifique (il me semble que j'ai fort intérêt à varier mes qualificatifs du beau...), chaque regard ferait une carte postale. Néanmoins, c'est une appréhension que je ressens le plus. La désolation tant cherchée est un peu angoissante. Il n'y a absolument aucune marque de passage humain pour me rassurer en me rappelant la présence de la communauté des hommes et gâcher mon plaisir d'isolement. Encore une contradiction... Même le chemin, que nous avons finalement rejoint pour venir ici, par un effet du sort, est caché, mangé par les formes ondulées de la marée verte.

       Je suppose et j'espère me faire à la désolation. La compagnie des trois autres lascars dont je perçois les prémices de réveil ainsi que l'habitude (tête de Jean-Philippe vue à travers la porte ouverte de sa tente) positivée devrait me permettre de jouir totalement de cette désolation recherchée et des paysages vides d'humanité.

       A l'heure qu'il est, ces premières angoisses me paraissent totalement dépassées. J'ai à nouveau une envie irrépressible de me retrouver plongé dans une nature à l'état brut. Je ne sais pas si c'est parce que je n'ai rien appris, ou au contraire parce que j'ai tout appris...

      

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Rangement de notre premier campement devant le Loch Dubh. (4/8/99, vers 11h)

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