On pourrait voir la journée d'hier comme frappée par la malédiction (certains disent qu'il apporte au contraire bonheur et chance) d'un vendredi 13.
J'y ai fait, avec Pierre, mon record absolu d'attente en stop : quatre heures ! (Loïc a déjà fait mieux) C'est seulement peu de temps après nous être séparés en deux groupes (moi seul et en amont de la roue, eux deux à notre place d'origine) que nous avons été pris. Mise à part cette longue attente devant ce petit boui-boui, vendant essence, alimentation, journaux dans son cadre branquebaleux que-je-te-je-cache-un-peu-en-le-peignant-dans-des-teintes-pastels-roses-et-violettes, la journée fut très agréable.
Nous nous sommes fait, à la Roxen Bankhouse, notre meilleur petit déjeûner depuis notre départ (meilleur que celui acheté hors de prix sur le ferry entre Ullapool et Stornoway) : oeufs, bacon, céréales, toasts, confiture, thé, tout cela arrosé de lait frais : j'en salive encore !
D'Uig, débarcadère du ferry venant de Tarbert, on a relativement facilement été pris en stop (comparé à l'attente record, tout stop paraît facile) par une canadienne dans une voiture de location.
Certaines avaient leurs dos verts hérissés de crêtes rocheuses et tous ces braves monstres semblaient presque nager dans une marée de brume activée d'un véritable va-et-vient. Passait par-dessus ces beaux mastodontes le vol rapide et turbulent de nuages blancs-gris aux formes disparates. Vol si serré qu'il cachait en bonne partie le ciel bleu, au point de parfois nous faire tomber dessus les légers éclats de pluie de leurs chocs. | ![]() |
Arrivée à Portree. Courses, renseignements sur un traitement pour le genou de Loïc dans une pharmacie, longue visite (avec quelques essayages et achats) d'une exposition-brocante de produits népalais (encens, pulls, tentures, lampes, vêtements, instrument de musique,...), et début de soirée dans un pub (après avoir pris soin de repérer, directement au Tourist Information, sur une carte non-achetée le lieu de camping pour le soir. Scottish biniouzes pour Loïc et Pierre et Soup of the Day pour moi, petit billard, jukebox : agréable sensation de profiter pleinement pour la première fois d'un pub.
La faim (eux deux n'avaient rien mangé depuis les céréales de ce midi), et le billard réservé par d'autres pour la prochaine demie-heure au moins, nous poussèrent à reprendre nos sacs très lourds (les courses furent particulièrement consistantes) en direction de notre lieu de camping sauvage.
On ne le trouva pas, ayant voulu faire l'économie de l'achat de la carte du coin. On échoua par hasard dans le camping qu'on voulait éviter au début.
Malgré le coût collectif du camping supérieur à celui de la carte, je suis heureux d'avoir refait l'expérience du camping "civilisé" pour prendre conscience de toutes les joies du camping sauvage.
Perdus au milieu de la nature, il n'y a personne à déranger (en parlant trop fort, en sortant pisser non loin de la tente, il n'y a pas à être dérangé (par les bruits de l'activité de tous nos voisins et leurs délicieuses odeurs de cuisine sur lesquels je salive à l'instant même), on a très souvent de plus belles vues, on se sent plus libre car on peut faire ce qu'on veut sans le regard de personne !
Il est étonnant de constater qu'il y ait tant de palsirs qui ne se savourent que par contraste : un bon repas dans une secession de mois bons, l'éloignement ressenti en appelant chez soi au loin, de beaux paysages après de moins beaux... Il n'y a décidément vraiment pas d'absolu, tout est relatif. C'est là l'importance du contraste, du haut et du bas, d'éviter la monotonie, de la nouveauté, la découverte, la curiosité...
Le seul moyen d'arranger la machine semble être de faire l'effort mental de constater par soi-même le contraste, pour mieux le ressentir.
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