Samedi 14 août 1999, 8h05 :

       On pourrait voir la journée d'hier comme frappée par la malédiction (certains disent qu'il apporte au contraire bonheur et chance) d'un vendredi 13.

       J'y ai fait, avec Pierre, mon record absolu d'attente en stop : quatre heures ! (Loïc a déjà fait mieux) C'est seulement peu de temps après nous être séparés en deux groupes (moi seul et en amont de la roue, eux deux à notre place d'origine) que nous avons été pris. Mise à part cette longue attente devant ce petit boui-boui, vendant essence, alimentation, journaux dans son cadre branquebaleux que-je-te-je-cache-un-peu-en-le-peignant-dans-des-teintes-pastels-roses-et-violettes, la journée fut très agréable.

       Nous nous sommes fait, à la Roxen Bankhouse, notre meilleur petit déjeûner depuis notre départ (meilleur que celui acheté hors de prix sur le ferry entre Ullapool et Stornoway) : oeufs, bacon, céréales, toasts, confiture, thé, tout cela arrosé de lait frais : j'en salive encore !

      D'Uig, débarcadère du ferry venant de Tarbert, on a relativement facilement été pris en stop (comparé à l'attente record, tout stop paraît facile) par une canadienne dans une voiture de location.
La côte de la péninsule de Trotternish au nord de Skye offrit de très belles vues, que ce soit vers la mer ou vers les terres, sous une lumière écossaise divine : un ciel aux très riches nuances de gris, des percées de soleil, de la brume couvrant et découvrant certaines parties du paysage. Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
Roches sous la brume dans le Trotternish, au point où nous a laissés la canadienne. (13/8/99, vers 11h)
Vue de loin de la ruine de Duntulm Castle, inintéressante. La canadienne nous laissa finalement à ce qu'ils (Pierre et elle) croyaient être Staffin, à 4 km de Kilt Rock, que nous aurions rejoint à pied. Nous étions en fait à 2 km de Staffin.

Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
Vue des pompes de la boutique "pittoresque" devant laquelle nous avons attendu. (13/8/99, un point perdu entre 11h50 et 15h50)
Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
Pierre et Loïc pris, de derrière les pompes, en flagrant délit de stop démotivé. (13/8/99, un point perdu entre 11h50 et 15h50, mais un plus tard)
      Il est important de remarquer que nous avons presque pas marché hier afin que Loïc ne se fasse pas davantage mal au genou : c'est pour cela que nous avons tout misé sur le stop.

       On a un peu marché avant de s'arrêter en se disant qu'il valait mieux éviter une heure de marche inutile à Loïc en allant à Kilt Rock à pied.

      C'est ici que nous avons attendu de 11h50 à 15h50. On a eu la chance d'être face à un panorama splendide : des montagnes verdoyantes et faiblement pentues sur le bas, et rocailleusese plus près du sommet bien davantage à pic.

      Certaines avaient leurs dos verts hérissés de crêtes rocheuses et tous ces braves monstres semblaient presque nager dans une marée de brume activée d'un véritable va-et-vient. Passait par-dessus ces beaux mastodontes le vol rapide et turbulent de nuages blancs-gris aux formes disparates. Vol si serré qu'il cachait en bonne partie le ciel bleu, au point de parfois nous faire tomber dessus les légers éclats de pluie de leurs chocs. That's midge's blood !
      On a finalement (j'insiste sur la fin, l'afin, la finalité et l'aspect final de la chose) été pris en stop par un jeune couple de trentenaires ou quadragénaires : une lawyer de l'Utah et un écossais d'Edimbourg. Eux aussi en tourisme (particulièrement l'américaine dans ces contrées), on s'est tous arrêté prendre en photo l'Old Man of Storr, pic rocheux gris perdu seul au milieu de son flanc de montagne vert.

Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
"Notre" Old Man of Storr (photo retrouvable sur un très grand nombre de cartes postales). (13/8/99, vers 16h15)

      Arrivée à Portree. Courses, renseignements sur un traitement pour le genou de Loïc dans une pharmacie, longue visite (avec quelques essayages et achats) d'une exposition-brocante de produits népalais (encens, pulls, tentures, lampes, vêtements, instrument de musique,...), et début de soirée dans un pub (après avoir pris soin de repérer, directement au Tourist Information, sur une carte non-achetée le lieu de camping pour le soir. Scottish biniouzes pour Loïc et Pierre et Soup of the Day pour moi, petit billard, jukebox : agréable sensation de profiter pleinement pour la première fois d'un pub.

       La faim (eux deux n'avaient rien mangé depuis les céréales de ce midi), et le billard réservé par d'autres pour la prochaine demie-heure au moins, nous poussèrent à reprendre nos sacs très lourds (les courses furent particulièrement consistantes) en direction de notre lieu de camping sauvage.

       On ne le trouva pas, ayant voulu faire l'économie de l'achat de la carte du coin. On échoua par hasard dans le camping qu'on voulait éviter au début.

       Malgré le coût collectif du camping supérieur à celui de la carte, je suis heureux d'avoir refait l'expérience du camping "civilisé" pour prendre conscience de toutes les joies du camping sauvage.

       Perdus au milieu de la nature, il n'y a personne à déranger (en parlant trop fort, en sortant pisser non loin de la tente, il n'y a pas à être dérangé (par les bruits de l'activité de tous nos voisins et leurs délicieuses odeurs de cuisine sur lesquels je salive à l'instant même), on a très souvent de plus belles vues, on se sent plus libre car on peut faire ce qu'on veut sans le regard de personne !

       Il est étonnant de constater qu'il y ait tant de palsirs qui ne se savourent que par contraste : un bon repas dans une secession de mois bons, l'éloignement ressenti en appelant chez soi au loin, de beaux paysages après de moins beaux... Il n'y a décidément vraiment pas d'absolu, tout est relatif. C'est là l'importance du contraste, du haut et du bas, d'éviter la monotonie, de la nouveauté, la découverte, la curiosité...

       Le seul moyen d'arranger la machine semble être de faire l'effort mental de constater par soi-même le contraste, pour mieux le ressentir.

      
page précédente Retour à la page d'introduction du site page suivante