Vendredi 6 août 1999, 8h40 :

       Un vent inexistant et des midges plus nombreux et affamés que jamais m'ont fait accepter la décision de dormir sous un toit. Les Bed&Breakfast étant trop chers et trop pleins, nous nous sommes rabattus sur une auberge de jeunesse à Achemvilch, au bord de la mer, après Lochinver. Remercions tout de même Mrs McLeod et son fils (il s'appelle peut-être Duncan ?) qui nous amenés en voiture jusqu'à leur établissement à partir d'un simple coup de fil pour réserver, puis voyant que cela risquait d'être un luxe excessif pour notre budget, nous ont conduit ensuite jusqu'à l'A.J. qui correspondait mieux à leur avis au type de touristes que nous étions. Merci à eux qui nous ont bien fait gagner 5 km de bitume.

       Je ne partage pas le plaisir presque caricaturale de Loïc à voir la mer. J'aime la mer, l'horizon bleue, les côtes découpées, les tempêtes... Mais la mer reste surtout pour moi un appel au lointain. Une mer se traverse, sépare les continents inconnus, isole les îles mystérieuses. Je suis venu en Ecoose pour me perdre, m'isoler au coeur d'une nature sauvage et vide de toute société humaine. Et on ne se perd pas au bord de la mer.

       La marche d'hier, même sans gravir le Canisp fut agréable au possible. Les paysages furent de plus en plus beaux. Et à la pause de midi, et par la suite, un échange profond s'est installé entre nous, à la faveur d'un débarassage et d'une vaisselle faits calmement après un repas très nourrissant et merveilleusement pesant (une montagne de riz avec des maquereaux), au bord d'un loch. Le bonheur et la paix cherchés, enfin trouvés.

       Nous avons même croisé hier un noble écossais. Cela nous a fait regretté que cette terre n'ait pas connu de révolution ! Cet homme, qui n'avait rien d'un gentleman, accompagné de personnes que nous avons supposés être son fils et son valet tirant un mulet, nous a fait clairement comprendre malgré son accent écossais qu'il était interdit de camper sur ses terres (dont la superficie correspond en gros à la trace laissée par son auguste paluche sur notre carte au 1/50000), et que nous avions tout intérêt à les quitter au plus vite. Son fils terminant cette petite entrevue en vous précisant : "Hey. He's got a gun. He's got a gun." en nous montrant le fusil que son ancêtre le plus proche avait à l'épaule (non, je n'ai pas dit épaulé !). Ils repartirent ensuite, de leur allure rapide, contrôler sûrement pour la centième fois la suite du sentier que nous n'avions toujours pas découvert.

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Dernière partie du sentier, avec l'arrivée sur Lochinver et la mer en fond (5/8/99, vers 17h)

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Vue sur Loch Druim Suardalain avec le Suilven en fond, qu'on abandonne avec peine. (5/8/99, vers 19h)

      Nous allons marché aujourd'hui avec la mer et la côte comme principal objectif. Cela m'enchante moins, mais je fais partie d'une groupe et chacun doit trouver le trésor qu'il est venu chercher dans ce voyage.

       Le retour à la civilisation et aux hommes, quoique s'étant passé dans les meilleures conditions possibles (nous avons assez longuement discuté avec les tenants de l'auberge de jeunesse hier soir) me laisse cette même impression de tourner le dos au paradis.

      Il en va de même avec le paysage que j'ai sous les yeux. La mer devant moi, avec une très belle côte que je peux contempler assez loin au sud. Le rivage est juste peut-être un peu trop arrondi, poli, érodé par les siècles de vent et de tempête. L'eau est tout de même d'un bleu intense et même turquoise près de la plage de sable, et le bord de mer très découpé avec de nombreuses petites îles offre un panorama vraiment beau. Mais c'est en me retournant que je suis le plus ébahi, en distinguant les masses amples et gracieuses comme des baleines du Suilven et du Canisp qui semblent flotter dans une mer de nuages, là-bas, plein est. Cliquez sur la photo pour obtenir une version agrandie
"une très belle côte que je peux contempler assez loin au sud" (6/8/99, vers 13h)
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"Le rivage est juste peut-être un peu trop arrondi, poli, érodé par les siècles de vent et de tempête, mais l'eau est tout de même d'un bleu intense et même turquoise près du rivage" (6/8/99, vers 13h)
      Nouvel enseignement : mer ou montagne : je suis plus montagne. La mer se traverse, alors que la montagne se découvre, offre les trésors de toutes ses vallées cachées, ses paradis perdus, son Arcadie qui isole enfin le pélerin utopiste du monde qu'il cherche à fuir ; il y a sûrement dans la présence rassurante de masse montagneuse isolante autour de soi quelque chose de l'Eden maternel perdu. Mais la Bretagne reste ma terre d'attache et je m'en vais de ce pas voir ce que font mes bretons d'amis car il est 9h passé et il est demandé de quitter les chambres à 9h. (Les tenants nous ont tout de même dit que cet horaire n'était vraiment pas strict).

       Hasard de la vie qui fait tout son charme : nous avons vu passé au loin d'Achemvilch un voilier, qui s'avère très vraisemblablement être La Belle Poule, sur lequel un certain Brice, avec qui j'ai travaillé tout un mois au retour d'Ecosse, a passé son service militaire jusqu'en juin (il n'était pas dessus).

      

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Avant notre départ de l'auberge, photo des "wardens", avec de gauche à droite : Jean-Philippe, Pierre et Loïc. (6/8/99, vers 12h)

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